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Vive la triade maya !

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(@cyral)
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Début du sujet  

Même si je ne renie pas les leçons tirées de mon passage sur les bancs de l’Agro, je peux affirmer que mon véritable choc agronomique fut la découverte des pratiques agricoles mayas lors d’une mission pluridisciplinaire dans le Yucatan en 1977. A la base, ce qu’on appelle la « triade maya ».

A l’époque, j’avais déjà acquis une solide expérience africaine, en particulier au Sénégal, dans les rizières de la vallée du fleuve au nord, dans les champs de coton et d’arachide du bassin arachidier au centre, et dans les rizières de Casamance au sud. Le modèle d’agriculture imposé plus que proposé aux populations rurales reposait sur un seul et même principe, celui de l’homme européen depuis l’Antiquité, à savoir la culture pure. Conséquences de ce modèle occidental : les rotations des cultures pour ralentir l’épuisement des sols et le développement des leurs ennemis ciblés (adventices, insectes, champignons), la fertilisation complémentaire azote-phosphate-potassium pour booster les rendements, et le labour et le semis en ligne pour faciliter le désherbage mécanique en traction animale. Voilà ce qui était vulgarisé à tous les paysans de toute l’Afrique francophone. Et moi, en tant qu’agronome, je participais à quelques-unes des opérations dites de développement chargées de promouvoir ce modèle à large échelle. Un modèle dont les intentions productivistes étaient limpides : cf. le slogan de l’opération « arachide » dans le Sine-Saloum : « Un million d’hommes ; un million de tonnes. » Il fallait bien alimenter les usines Lesieur !

Mais, fort des enseignements de mes maîtres de l’Agro (cf. mes « posts » précédents), j’avais des doutes. Des doutes sérieux, même !

Je constatais par exemple que les paysans, qu’ils fussent casamançais ou du bassin arachidier, avaient des comportements  différentiés selon les types de champs. Dans les champs de brousse encadrés car destinés à la commercialisation des productions, ils appliquaient le modèle avec plus ou moins de conviction, tout en réduisant systématiquement la fertilisation. Alors que dans les champs de cases non encadrés, en gros les jardins traditionnels destinés à l’autoconsommation, c’était une autre affaire. Ils y cultivaient diverses plantes en association (maïs, gombos, tomates cerise, arachides de bouche, etc.) sans plan précis, dans une sorte de désordre souvent harmonieux. Seule concession faite à la modernité, ils y mettaient le surplus de fertilisant minéral qu’ils avaient soustrait de leurs cultures de brousse. Où était la rationalité d’un tel comportement systématique ?

C’est quelques années plus tard au Yucatan que j’eus la réponse.

Le Yucatan est un relief karstique typique dont la singularité est d’être localisé en zone tropicale. En gros, un causse quercynois hyper caillouteux, sans eaux de surface, sous climat tropical sec. De quoi étouffer dans l’œuf toute velléité agronomique raisonnable. Et pourtant, à l’apogée des cités mayas vers le neuvième siècle de notre ère, il suffisait d’un paysan maya pour nourrir deux mayas, tandis qu’en Europe au même moment (et longtemps après encore), il fallait neuf paysans pour nourrir dix personnes. En Europe, c’étaient déjà les cultures pures avec la rotation ternaire « céréales-plantes sarclées-jachère », alors qu’au Yucatan, c’était la fameuse triade qui perdure aujourd’hui. A savoir l’association dans de petites cuvettes éparses au milieu des cailloux du maïs servant de tuteur, du haricot enroulé sur la tige et apportant l’azote, et de la courge couvrant le sol et limitant ainsi l’évapotranspiration. Pas de traction animale, pas de labour mais un grattage superficiel, pas de semis en ligne mais des poquets, pas de fertilisation minérale. Seul booster de production, l’association végétale favorisant des interactions naturelles complémentaires. La permaculture avant l'heure !

C’est-à-dire, une pratique culturale ancestrale assez similaire dans son principe à celle de mes paysans sénégalais qui, dans leurs champs de cases, faisaient de la triade maya à leur façon sans le savoir.

L’Afrique noire n’est pas partie notamment en tant que victime des dogmes productivistes hérités des certitudes occidentales.

Les mêmes certitudes technocratiques et soi-disant libérales qui ont conduit à la catastrophe écologique planétaire que nous vivons en direct et dont la crise du coronavirus n’est qu’un marqueur de plus. Notre modèle de taylorisation économique et sociale qui confond en toute circonstance et en tout domaine croissance et développement est erroné. C’est désormais une évidence. Je dirais même que c’est notre unique certitude. Nous en subissons pourtant la dictature absurde au quotidien comme mes paysans sénégalais subissaient, en rechignant autant que faire se pouvait, celle des dispositifs de vulgarisation chargé de promouvoir leur bonheur.

Que faire sinon repartir de la page blanche ?


   
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 Eva
(@eva)
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Inscription: Il y a 5 ans
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Nous avons tellement a réapprendre de nos anciens  !


   
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